"Les possibles" de Virginie Grimaldi : "Le masque & la Plume" s'attendait à tout sauf ça !

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"Les possibles" de Virginie Grimaldi : "Le masque & la Plume" s'attendait à tout sauf ça !

Pourquoi Virginie Grimaldi n'a pas du tout convaincu les critiques du Masque & la Plume ?
Pourquoi Virginie Grimaldi n'a pas du tout convaincu les critiques du Masque & la Plume ?
© Getty - Eric Fougere - Corbis / Contributeur

"Une lecture inconsistante", un auteur "qui s'acharne à écrire pauvrement en permanence", avec "des phrases taillées à la serpe", où prime "l'absence de style", "une surutilisation obscène de l'émotion"… Le "Masque & la Plume" se demande pourquoi Virginie Grimaldi est l'auteure la plus lue en France ?

Le livre "Les possibles" présenté par Jérôme Garcin

Il est indiqué sur le bandeau de l'éditeur que Virginie Grimaldi est "la romancière française la plus lue de 2021". Les bras m'en tombent. Le livre aussi, un peu. Elle est l'auteure de "Tu comprendras quand tu seras plus grande", "Le parfum du bonheur est plus fort sous la pluie", qui a fait dire à l'époque au journal Libération que c'était une histoire bien ficelée, dans la veine du roman feelgood. Auteure également de "Il est grand temps de rallumer les étoiles".

C'est l'histoire d'une jeune femme, Juliane, mère d'un petit garçon qui accueille chez elle son père, Jean Piccoli, dont la maison a brûlé. Il faut dire qu'il déraille. Avant, il était fantasque, mais là, il perd la boule, il se ruine au téléachat, il écoute du hard rock, il réclame un grille pain en pleine nuit, il monte un tipi, met des posters d'Indiens au mur. Il égare ses affaires et cherche son chemin. On a compris que c'est quand même très proche d'Alzheimer. On peut aussi comprendre que c'est la version feelgood du père de Florian Zeller, avec des phrases : "même au creux des moments les plus sombres, il arrive qu'on rencontre un instant suspendu de bonheur".  

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Il faut la tenter pour comprendre qu'elle est la romancière la plus vendue en France

"Une drôle d'expérience…" selon Patricia Martin 

PM : "Plusieurs phrases sont vraiment spéciales comme "je suis tellement rassurée de le voir bien vivant que j'ai envie de le tuer" ; "il est radin du compliment", "elle veut qu'on enrobe les mots gris dans du papier coloré". C'est une expérience de lire ça…

Le pire est au début, car il y a vraiment des phrases taillées à la serpe… Après, il y a quelques éléments qui peuvent toucher, qui concernent le vieillissement et la maladie d'un père, comment on découvre quelqu'un, ce père avec lequel elle ne s'est jamais tellement entendue, qu'elle ne connaissait peut-être pas vraiment, c'est tout à coup un autre qu'elle découvre. 

J'ai, pour ma part, regardé les commentaires de lecteurs car après tout les gens aiment, ils ont le droit d'aimer. Ils soulignent la tendresse, un bel hommage à sa famille, à la famille en général, le fait que ça parle à tout le monde, que les personnages sont plus vrais que nature et que c'est un livre qui mordille le cœur. C'est quand même un livre, encore une fois, qui peut toucher.

En revanche, il ne faut pas lire quelque chose de très fort juste avant. Il faut marquer un temps d'arrêt

Michel Crépu déplore un de ces nombreux livres où "l'émotion commande tellement, que ça en devient obscène et inconsistant"

MC : "J'ai lu intégralement ce livre, et j'en suis ressorti épouvanté. Si vous prenez les pages de remerciements à la fin il y en a dix… Ce final de remerciement n'est pas possible. Je suis presque prêt à écrire à l'auteur. Ce n'est pas possible. C'est inconsistant…

Je pense qu'il y a quand même aujourd'hui une dictature de l'émotion qui a atteint un degré d'obscénité... 

Mais, là, c'est vraiment l'émotion qui commande. Et rien n'échappe à ça. L'émotion est vraiment le fond du fond du fond de ce livre. Il y a quelque chose qui ne va pas"

S'il l'a trouvée marrante, Arnaud Viviant a du mal à croire qu'elle soit l'auteure la plus lue de France

AV : "Ce que je trouve extraordinaire, c'est que c'est "la romancière la plus lue de France" alors que je n'en avais jamais entendu parler… c'est ça qui est étonnant… 

Il y aurait donc une littérature silencieuse, comme on parle de majorité silencieuse. 

Ça vaut le coup d'aller voir ce qu'il y a dedans  - cela dit, dès le quatrième de couverture, on est au courant. L'éditeur nous dit que c'est une histoire de filiation et de résilience. On en revient encore une fois à la résilience, c'est quand même le produit d'appel aujourd'hui de la littérature…

Ce qui est tout à fait étonnant aussi, c'est que, alors qu'on disait dans une précédente émission que les éditeurs ne sont pas avaricieux du mot "roman", le mettent à toutes les sauces pour n'importe quoi, ici, il a totalement disparu. Il n'est ni sur la couverture, ni à l'intérieur. Et pourtant, il s'agit bien d'un roman. Je ne pense pas que Mme Grimaldi soit comptable dans un collège comme l'est son personnage. 

En même temps, j'ai trouvé ça assez marrant, comme quand elle dit : "elle chante comme une mobylette". À mon avis, il y a plus de blagues dans Grimaldi que chez Nicolas Rey. Une fille qui dit à sa mère : "tu es moins ridée qu'un bidet" moi, je trouve ça marrant. Il y a une  fantaisie, une voix, ce qu'elle écrit est assez marrant, ça ressemble beaucoup à ce qu'on peut voir à la télévision, il y a un côté téléfilm. 

Elle fait quand même des progrès dans les titres parce que "Les possibles", ce n'est pas si mal que ça, quand, avant, c'était "Le parfum du bonheur est plus fort sous la pluie"…

Jean-Claude Raspiengeas est quand même parvenu à aller jusqu'au bout d'un livre qu'il juge "déprimant"

JCR : "Je trouve ça très inquiétant… C'est donc ça le goût de nos contemporains ? On en est arrivés là ? C'est à mettre en relation avec les grands succès de la télévision, notamment les séries, françaises, qui sont affligeantes. Là, on arrive à un moment où on nous dit que c'est l'auteur le plus lu. 

Ce qui est fascinant dans ce livre, c'est l'absence de style et l'acharnement de l'auteur à écrire aussi pauvrement en permanence

Est-ce qu'on peut m'expliquer comment un éditeur peut être satisfait de publier un livre pareil et d'en tirer argument ? Et que claironner partout que Virginie Grimaldi est l'auteur français le plus lu au monde, est-ce qu'il y a matière à tirer un motif de fierté ? 

Franchement, ce livre est déprimant. Je suis sorti déprimé d'avoir à lire ça et qu'on puisse lire ça aujourd'hui…

Le livre

Écoutez l'intégralité des critiques échangées sur le livre :

"Les possibles" de Virginie Grimaldi

9 min

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