Baromètre Sexisme 2023 : "La situation est alarmante", estime le Haut Conseil à l'Égalité

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Baromètre Sexisme 2023 : "La situation est alarmante", estime le Haut Conseil à l'Égalité

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80% des femmes françaises disent avoir subi des actes sexistes, un chiffre stable.
80% des femmes françaises disent avoir subi des actes sexistes, un chiffre stable.
© AFP - ALAIN PITTON / NURPHOTO

France Inter vous dévoile en exclusivité les résultats du deuxième "Baromètre Sexisme" mené par l'Institut Viavoice pour le Haut Conseil à l'Égalité. L'institution s'inquiète de la stagnation du sexisme en France et de l'ancrage d'une pensée "masculiniste" chez les 25-34 ans.

La situation est "alarmante" estime le Haut Conseil à l’Égalité, chargé depuis 2019 de remettre au gouvernement un rapport annuel sur l'état du sexisme en France. Malgré des "avancées incontestables en matière de droits de femmes", le HCE constate que le sexisme ne recule pas dans la société française. Pire, "certaines de ses manifestations les plus violentes s'aggravent", notamment chez les plus jeunes générations.

Ce constat a été dressé à partir du deuxième "Baromètre Sexisme" réalisé par l'institut Viavoice. 2.500 hommes et femmes issus d'un échantillon représentatif de la population ont été interrogés sur leur perception du phénomène et sur les situations vécues par les femmes. L'an dernier déjà, le baromètre faisait état d'une "persistance" du sexisme, "malgré une forte volonté des Français de le combattre". Cette année, il met en évidence un renforcement du sexisme dans certains domaines, notamment à l'université et sur les réseaux sociaux. Zoom sur les 12 chiffres à retenir de cette nouvelle édition.

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93% de la population constate des inégalités de traitement entre hommes et femmes

C'est le premier constat du Haut Conseil à l’Égalité. Une immense majorité des Français estime qu'hommes et femmes ne sont pas traités de manière égalitaire dans au moins une sphère sociale : au travail, dans l'espace public, à l'école ou en famille.

Seul un Français sur cinq estime que le monde professionnel est égalitaire

Le monde professionnel est jugé particulièrement sexiste : seuls 20% des Français et Françaises estiment que "les femmes et les hommes y sont égaux en pratique". "Un score en baisse de 3 points" par rapport à l'an dernier, note le HCE. Plus d'un tiers des femmes (37%) affirment avoir déjà subi des discriminations sexistes dans leur choix d'orientation professionnelle et à poste ou compétences égales, 23% des femmes ont déjà vécu un écart de salaire avec un collègue homme. Ce taux grimpe à 34% pour les cadres, dont une sur cinq considère avoir déjà été discriminée au travail.

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Les femmes ne représentant que 36% du temps de parole dans les médias

36% de temps de parole pour 43% de présence à l'antenne. Si la visibilité des femmes augmente donc d'années en années à la télévision et à la radio selon l'Arcom (Autorité de régulation de l'audiovisuel), "les femmes parlent structurellement moins qu'elles ne figurent à l'écran", note le Haut Conseil à l’Égalité. Un constat qui se retrouve dans le ressenti : seules 32% des femmes considèrent les médias comme un espace égalitaire.

80% des femmes ont la sensation d'avoir déjà été victimes de sexisme

Le "sexisme ordinaire" ne faiblit pas, estime le Haut Conseil à l’Égalité. Les femmes sont aussi nombreuses que l'an dernier à déclarer avoir personnellement vécu des situations sexistes (80%). Celles-ci ont principalement lieu dans "les sphères perçues comme particulièrement inégalitaires" : la rue et les transports (pour 57%), le foyer (49%), ou le monde du travail (46%).

41% des jeunes femmes déclarent avoir vécu des situations inégalitaires à l'école ou durant leurs études

41% des femmes de 15 à 24 ans déclarent avoir été "moins bien traitées" en raison de leur genre durant leurs études. Par ailleurs, seulement 6% de l'ensemble de la population fait totalement confiance en l'école et en l’université pour prévenir les actes et violences sexistes, note encore le rapport du HCE. L'année 2022 a toutefois permis de libérer la parole dans certains établissements de l'enseignement supérieur, comme Polytechnique, Centrale-Supélec et AgroParisTech.

Quatre jeunes femmes sur cinq considèrent qu'il est difficile d'être une femme dans la société actuelle

Ce constat est plus fort chez les femmes de 15 à 24 ans que dans le reste de la population féminine. Hommes et femmes confondues, les Français sont 55% à considérer qu'il est "difficile" d'être une femme dans la société actuelle, alors que 20% considèrent qu'il est "difficile" d'être un homme. Seule une jeune femme sur cinq juge notamment que les réseaux sociaux sont un espace égalitaire, alors qu'elles en sont les premières utilisatrices. Ce chiffre baisse de sept points en un an.

Plus d'un tiers des femmes ont vécu une "situation de non-consentement"

C'est l'un des éclairages de ce nouveau rapport. 37% des Françaises ont déjà vécu une "situation de non-consentement". 33% ont déjà eu un rapport sexuel suite à l'insistance de leur partenaire alors qu'elles n'en avaient pas envie, et 7% ont déjà eu un rapport sexuel non consenti sous l'emprise de l'alcool ou de drogue. Dans ce domaine, l'écart de perception entre hommes et femmes est frappant : seuls 73% des hommes considèrent comme problématique le fait d'insister pour avoir un rapport sexuel avec sa conjointe, et seuls 12% déclarent l'avoir déjà fait. 10% ont déjà eu un doute sur le consentement de leur partenaire. Les hommes "peinent à se sentir concernés et n'engagent pas leur responsabilité personnelle", note le Haut Conseil à l'Égalité.

15% des femmes ont déjà subi des coups portés par leur partenaire ou ex-partenaire

Quelques 15% des femmes interrogées ont déjà subi des coups portés par leur partenaire ou ex-partenaire, et le taux grimpe à 20% pour les 50-64 ans, soit une femme sur cinq. Si la parole se libère depuis l'émergence de #MeToo en 2017, ce qui explique en partie que les enregistrements pour violences conjugales par les forces de l'ordre aient doublé depuis 2016, le nombre de féminicides conjugaux ne baisse pas pour autant. Il y en a eu 20% de plus en 2021 par rapport à l'année précédente selon le ministère de l'Intérieur (122 victimes contre 102 en 2020). Selon le "Baromètre Sexisme 2023", 14% des femmes ont par ailleurs été victimes d'agression sexuelle ou de viol.

23% des jeunes hommes considèrent qu'il faut parfois être violent pour se faire respecter

Pour le Haut Conseil à l'Égalité, il est "urgent de tenir compte des résultats concernant la génération des 25-34 ans", parmi laquelle 23% des hommes considèrent qu'il faut parfois être violent pour se faire respecter (contre 11% de la population masculine totale). L'institution met en garde contre un phénomène de "backlash" (retour de bâton) et écrit : "Cinq ans après #MeToo, une partie de la nouvelle génération des hommes se sent fragilisée, parfois en danger, réagit dans l’agressivité, et peut trouver une voix d’expression politique dans de nouveaux mouvements virilistes et très masculins".

Ainsi, 20% des hommes de cette tranche d'âge pensent que pour être respecté il faut "vanter ses exploits sexuels" (contre 8% en moyenne). Enfin, les jeunes hommes sont beaucoup moins nombreux que leurs ainés à considérer que l'image des femmes véhiculée dans les contenus pornographiques est un problème (49% contre 79% des 65 ans et plus). En population générale, "16 % des hommes pensent encore qu’une femme agressée sexuellement peut en partie être responsable de sa situation ", rapporte encore le Haut Conseil à l’Égalité.

Neuf femmes sur dix adoptent des "conduites d'évitement" pour éviter des actes sexistes

Le sexisme d'une société s'illustre par des faits, des ressentis mais aussi par des comportements. 9 femmes interrogées sur 10 affirment "anticiper" les actes et propos sexistes et donc adopter des "conduites d'évitement". 55% d'entre elles renoncent ainsi à sortir et faire des activités seules et 52% à s'habiller comme elles le souhaitent. De fait, huit femmes sur dix ont peur de rentrer seules chez elles le soir. Environ 40% veillent par ailleurs à ne pas parler trop fort ou censurent leurs propos, par crainte de la réaction d'un homme. "Cela induit une perte de confiance en soi des femmes et entraîne des conséquences concrètes sur leur vie quotidienne et leur parcours professionnel", note le Haut Conseil à l’Égalité. Un tiers des femmes actives n'ont par exemple pas osé demandé une promotion ou une augmentation dans leur travail.

Moins d'un Français sur deux considère problématique qu'une femme cuisine tous les jours

Le rapport s'intéresse également à toute une série de "clichés" naturalisant les rôles de genre. Ainsi, seulement 49% des femmes et 37% des hommes estiment "problématique" qu'une femme cuisine tous les jours pour toute la famille. De même, 9% des femmes et 13% des hommes considèrent toujours que "les hommes sont plus forts en mathématiques". Un homme sur 3 et une femme sur 5 pense que "les hommes ont naturellement plus le sens de l'orientation que les femmes". Enfin, le barbecue est "une affaire d'hommes" pour 23% d'entre eux.

14% des Français n'ont jamais entendu parler de #MeToo

Si 83% de la population a déjà entendu parler des mouvement #MeToo ou #balancetonporc (en hausse de deux points par rapport à l'an dernier), 15% des Français "ne voient pas très bien de quoi il s'agit" et 14% n'en ont jamais entendu parler. Globalement, les Français n'ont pas confiance dans les pouvoirs publiques pour prévenir et lutter contre le sexisme. Le gouvernement est le dernier des acteurs de confiance cité pour lutter contre le sexisme. Les médecins et les associations spécialisées recueillent plus de confiance (respectivement 65% et 73%).

Dix recommandations pour agir

Face à ce constant jugé "préoccupant", le Haut Conseil à l’Égalité propose "un plan d'urgence massif" et dix pistes d'amélioration pour lutter contre le sexisme.

  • Augmenter les moyens financiers et humains de la justice, pour former en plus grand nombre les magistrats chargés de traiter les violences intrafamiliales
  • Instaurer une obligation de résultats pour l'application de la loi sur l'éducation à la sexualité à l'école
  • Régulier les contenus numériques pour lutter contre les représentations dégradantes des femmes, en particulier les contenus pornographiques
  • Rendre obligatoire les formations contre le sexisme par les employeurs
  • Généraliser l'égaconditionnalité (conditionner des subventions à une contrepartie en terme d'égalité)
  • Créer une Haute Autorité indépendante pour lutter contre les violences sexistes en politique
  • Conditionner les aides publiques à la presse écrite à des engagements pour l'égalité
  • Evaluer annuellement la représentation des femmes dans les manuels scolaires
  • Interdire la publicité pour les jouets genrés (comme cela existe en Espagne)
  • Institutionnaliser la journée nationale de lutte contre le sexisme le 25 janvier
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