Guerre en Ukraine : le bataillon Kraken, un concentré controversé de motivation et d’adrénaline

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Guerre en Ukraine : le bataillon Kraken, un concentré controversé de motivation et d’adrénaline

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Des soldats du bataillon Kraken dans le village de Rus'ka Lozova, au nord de Kharkiv, en mai 2022. Certains ont été accusés d'exactions par les Russes.
Des soldats du bataillon Kraken dans le village de Rus'ka Lozova, au nord de Kharkiv, en mai 2022. Certains ont été accusés d'exactions par les Russes.
© AFP - Dimitar Dilkoff

Parmi les bataillons d’élite engagés sur le front russo-ukrainien, Kraken fait presque jeu égal avec Azov. Que l’on parle de ses racines très nationalistes ou de son efficacité au combat. Rencontre, à Kharkiv, avec un de ses commandants, Oleg Supereka.

Sur le front russo-ukrainien, le bataillon Azov s’est illustré dans les combats tout autant qu’il a soulevé des doutes sur l’idéologie qui animait ses membres. Ses origines très nationalistes ont même nourri les justifications russes de l’intervention en Ukraine. Tout aussi sulfureux est le bataillon Kraken, engagé à Kharkiv, sous une bannière ouvertement nationaliste. Son fondateur, Konstantin Nemitchev, le chef de la cellule kharkivienne du Corps national, ne cache d’ailleurs pas ses positions ultra-nationalistes.

Dans les rues de Kharkiv, nous avons rencontré Oleg Supereka, commandant par intérim de l'une des unités le bataillon Kraken. Devant sa limousine décorée aux couleurs de sa formation militaire, il nous présente son groupe très hétéroclite, que seuls rassemblent, selon lui, l’amour du pays et l’envie de combattre.

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FRANCE INTER : Qu’est-ce que le bataillon Kraken ?

Oleg Supereka : Kraken est une unité spéciale du ministère de la Défense [ukrainien, ndlr]. Au début, il se composait d'un bataillon, puis il s’est étoffé. Maintenant, c'est une structure qui compte plus d'un millier de personnes. Le groupe effectue des opérations de reconnaissance et de sabotage. Au début de la guerre, notre champ d’action était à Kharkiv. Il s’est élargi autour de Kharkiv et, désormais, dans la région de Donetsk.

Quels sont les profils de ses membres ?

Ils sont très différents. Ça peut être n’importe qui. Le plus jeune a 16 ans, le plus âgé a 68 ans. Le principal, ce qui les unit, c’est leur motivation. La plupart sont des habitants de Kharkiv, mais il y a aussi des habitants du Donbass, à la fois ceux qui sont arrivés récemment et ceux qui sont partis en 2014, après l'occupation partielle par la Russie. Il y a même des Russes avec des passeports russes.

On a dans nos rangs un réalisateur de documentaires qui vient de Moscou, des businessmen ou encore des sportifs. On a même des joueurs de l’équipe de foot junior d’Ukraine, du Metalist de Kharkiv), et du club de Kramatorsk.

Oleg Supereka, commandant par intérim de l'une des unités du bataillon ukrainien Kraken, combat dans le Donbass occupé par les Russes notamment.
Oleg Supereka, commandant par intérim de l'une des unités du bataillon ukrainien Kraken, combat dans le Donbass occupé par les Russes notamment.
© Radio France - Valérie Crova

On parle de supporters de football parmi lesquels il y aurait des ultras aussi…

Les supporters et les ultras sont nombreux, oui. Dans les stades, il y a presque toujours de la place pour ceux qui ont besoin d’adrénaline. Ils existent partout, en France, en Angleterre – les fameux supporters anglais… On a les mêmes à Kharkiv.

Kraken compte-t-il des Français dans ses rangs ?

Non, mais il y a des Ukrainiens qui appartenaient à la Légion étrangère en France.

Qui est le fondateur de Kraken ?

On peut considérer que le chef de Kraken, c’est Konstantin Nemitchev. C’est un jeune homme politique de 26 ans. Il était combattant du régiment Azov pendant un certain temps. Après, il s’est engagé dans des activités associatives à Kharkiv. Il a créé un département d’Azov à Kharkiv, une sorte de mouvement politique, avec des branches dédiées à l’éducation, à la jeunesse, au sport. Assez rapidement, il s’est révélé consciencieux et mûr, malgré son jeune âge.

Où Kraken se bat-il actuellement ?

Kraken se bat dans le Donbass. Mais nous n’agissons pas sous la forme d’un bataillon, d’un régiment, d’une division. Ce sont des groupes individuels qui effectuent des tâches distinctes. Ils agissent des deux côtés du front. Nous y menons des opérations militaires et des opérations de reconnaissance. Il y a aussi certaines opérations de sabotage secrètes, dont personne n'est informé.

En Crimée, par exemple ?

Non. Il peut s'agir d'autres unités de renseignement militaire. Mais je ne peux pas faire de commentaire là-dessus.

Comment recrutez-vous ?

Notre procédure de sélection est très stricte. Les exigences de Kraken sont très élevées, tant sur le plan physique que psychologique. Et en ce moment, des volontaires suivent un parcours de préparation animé par des légionnaires.

Pensez-vous que l’Ukraine va gagner la guerre ?

Oui, l’Ukraine va gagner, j’en suis sûr. On peut dire qu'elle a déjà gagné parce qu’on est restés debout, parce qu’on a tenu le coup et qu’on remporte des victoires. Quant à la victoire définitive – quand, comment, et à quel prix – personne n’est en mesure de se prononcer.

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