Princesse Mononoké de Miyazaki : la guerrière-louve que rien ni personne ne peut corrompre

Mon amie la Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki (1997) ©AFP - ARCHIVES DU 7EME ART / PHOTO12
Mon amie la Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki (1997) ©AFP - ARCHIVES DU 7EME ART / PHOTO12
Mon amie la Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki (1997) ©AFP - ARCHIVES DU 7EME ART / PHOTO12
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Mon amie habite une forêt animiste, dangereuse et en danger, où les humains illustrent la plus terrible de leur nature, face à laquelle notre personnage, enfant abandonné, élevée par les loups, prouve qu'il est possible de ne pas se laisser corrompre par les vices de la vie.

Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais j’aime les décors de cinéma. Si le septième art offre au réel des lignes neuves, c’est surtout dans la branche si noble, si créative, du cinéma d’animation, dont le plus grand festival s’ouvre, justement, lundi à Annecy.

Grâce à sa palette et son imagination sans limite, le cinéma d’animation redessine le monde, et détient le pouvoir de redonner à la nature son pouvoir magique. Et, justement, mon amie habite une forêt sublime, animée, et animiste. Une forêt dangereuse et en danger, où les humains ne pensent qu’à combattre ou faire du profit. Il n'y a qu'à écouter comment s’ouvre ce film qui porte le nom de mon amie : comme couleurs des émotions, on est beaucoup plus proche de la canopée que des canapés…

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Voilà planté le décor du chef d'œuvre absolu de Miyazaki, Princesse Mononoké, qui tient son titre de ma jeune et si farouche amie, enfant abandonné, élevée par les loups, gardienne de la nature au point de haïr les humains.

Elle n’apparaît pas tout de suite dans le film. On la voit de loin chevaucher un loup blanc ou se battre comme dix ninjas réunis. Et puis, soudain, elle se tourne face à nous, et nous voilà aussi sidéré que Ashitaka, prince venu de loin pour parer à la malédiction que lui a transmis un sanglier maléfique. Il la découvre, le visage et les lèvres barbouillés du sang d’un loup dont elle vient de sucer la blessure pour le sauver.

Dans ce film dont le boisement thématique balaie tous les manichéismes, les hommes se font traiter d’incapables par des femmes rieuses et dures à la tâche qui travaillent pour Dame Eboshi. Maîtresse femme s’il en est, la belle Dame Eboshi n’a peur ni des hommes ni des dieux, a recueilli des lépreux et des prostituées, mais, hélas, elle pense que le pouvoir se forge avec la déforestation et le fer des armes. Elle est la vraie ennemie de Princesse Mononoké, la guerrière-louve que rien n’y personne ne peut apprivoiser et qui trouve que « l’humain ça pue ».

Pourquoi choisir cette irréductible qui n'a confiance en personne ?

D’abord parce que c’est sans doute la première princesse du cinéma à se ficher complètement d’avoir un fiancé : la seule fois où elle se penche vers la bouche d’Ashitaka, ce n’est pas pour l’embrasser mais pour le nourrir avec une écorce qu’elle a pré-mâchée.

Puis, je n’ai fait que copier sur Miyazaki qui décida de choisir cette princesse des esprits pour titrer son film, alors qu’il faut bien reconnaître que le personnage principal est Ashitaka, un… garçon qui tient, je le cite, "à jeter sur le monde un regard sans haine", qui ose murmurer « tu es si jolie » à une fille qui vient de lui trouer la peau, et qui accepte, à la fin, que cette même fille ne veuille pas de lui, et préfère rester libre dans la forêt. Au lieu de rentrer chez lui, il annonce qu’il va rester dans les parages, juste pour le plaisir de la croiser de temps en temps. Dans une interview au Guardian en 2015, Hayao Miyazaki avait déclaré : "Beaucoup de mes films comportent des personnages féminins forts. Des filles courageuses et indépendantes. Elles auront peut-être besoin d’un ami, ou d’un soutien, mais en aucun cas d’un sauveur." L’une des mille qualités de Princesse Mononoké ? Prouver qu’il est possible de tomber sur un type pacifiste et féministe qui ne cherche pas à changer votre vraie nature.

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