En finir avec l'expression "faire un enfant dans le dos"

"Faire un enfant dans le dos", une expression qui peut être utilisée littéralement ou métaphoriquement." ©Getty - MRS
"Faire un enfant dans le dos", une expression qui peut être utilisée littéralement ou métaphoriquement." ©Getty - MRS
"Faire un enfant dans le dos", une expression qui peut être utilisée littéralement ou métaphoriquement." ©Getty - MRS
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Aujourd'hui, Nadia Daam se penche sur une expression qui a ressurgi de manière très peu élégante cette semaine au détour d'un témoignage discutable, sur X, et elle considère qu'il est grand temps de faire un sort à cette formule absurde.

C’est une expression qui peut être utilisée littéralement ou métaphoriquement.

Et qui est donc bruyamment apparue cette semaine à la faveur d’un témoignage publié sur X, ex-twitter et qui a généré plusieurs milliers de réponses. Ce témoignage vous est offert par un certain Charles qui pensait trouver réconfort et soutien en partageant ce qu’il décrit comme une sombre mésaventure. Et bien mal lui en a pris à Charles.

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Pour deux raisons : d’abord, parce que chercher du réconfort sur X, c’est comme jouer à « ni oui ni non ni Anne Hidalgo » avec un chauffeur de taxi parisien. L’entreprise a peu de chances d’aboutir, le twitto moyen n’étant pas réputé pour ses capacités d’empathie.

Ensuite, parce qu’après avoir raconté comme sa petite amie lui a fait « un enfant de la dos » et comment il peine à se remettre de la trahison ; Charles a surtout subi un petit cours de SVT en règle. Et ça, non plus, il ne l’avait pas vu venir.

Que raconte-il, exactement, ce Charles ?

Je vous la fais courte, mais attention c’est poignant :

Il y a un an et demi, Charles rencontre une fille sur Tinder avec laquelle il entame une relation. Après 10 mois de vie de couple, cette dernière lui fait part de son désir d’être mère. Charles lui rétorque que lui ne se sent pas prêt du tout, et lui fait promettre d’avorter si « par malheur » elle tombait enceinte. (L’élégance à la française…)

La jeune femme tombe enceinte, fait savoir à Charles son désir de ne pas interrompre sa grossesse et lui laisse le choix de faire ou non partie de la vie de cet enfant à venir. Charles se « demande comment se sortir de là » et ne décolère pas de, je cite encore, « s’être fait faire un enfant dans le dos » alors qu’il était certain d’avoir été clair en exprimant son non désir d’enfant.

C’est là l’histoire de Charles, mais ça pourrait être celles de beaucoup d‘autres hommes qui disent aussi ne pas avoir consenti à la paternité et s’en remettent parfois à la justice.

Combien d’hommes ça concerne ? Est-ce qu’on le sait ?

Pour le savoir, on peut uniquement se baser sur les procédures de reconnaissances en paternité et/ou de pensions alimentaires entamés par la mère ou l’enfant devenu majeur, parmi lesquelles quelques affaires célèbres. Mais ça ne suffit pas à quantifier le phénomène parce que ces demandes ne sont pas systématiques.

Au début des années 2000, on a aussi vu apparaitre cette rhétorique de l’enfant dans le dos et du coup fourré sur les blogs masculinistes qui sont allés jusqu’à assimiler ces paternités non consenties à des viols.

Les médias s’en sont aussi largement fait l’écho en diffusant les témoignages de ces hommes qui se disent abusés. Hommes qui se sont trouvés, en 2013, une ardente défenseuse en la personne de Mary Plard, une avocate qui met alors sur le même plan le sort de ces hommes et les combats féministes en rappelant que slogan « un enfant si je veux quand je veux » devrait devrait être valable pour les hommes…

Pourquoi ce raisonnement ne tient pas la route selon vous ?

Treize lettres : contraception. Et, la contraception, ça n’est pas que l’affaire des femmes, surtout en 2024. C’est d’ailleurs ce que se sont évertués à rappeler à Charles de très nombreux internautes. Parce que jamais dans son récit éploré, Charles dit avoir eu recours à un moyen contraceptif ni s’être intéressé à la contraception utilisée par sa compagne, il dit seulement avoir « fait confiance ». Or la confiance malgré les progrès de la médecine, c’est quand même moins efficace que le préservatif.

Il existe aussi d’autres moyens de contraception masculine que la seule capote. La vasectomie d’abord, qui contrairement à ce qu’on croit, n’est pas entièrement irréversible, l’opération inverse marche dans 30 à 70% des cas. Et c’est vrai que ça, on le dit pas suffisamment.

Mais on pourrait aussi parler du slip chauffant, de l’anneau contraceptif, de l’injection hebdomadaire de testostérone, du remonte-couilles toulousain (je vous laisse Googler). Certes la pilule pour hommes n’est pas encore au point, mais on notera au passage qu’on a été plus rapides pour développer le Viagra… on manquait moins de cobayes aussi sans doute.

Il convient enfin de rappeler ces données majeures : en France, moins de 1% des hommes ont recours à une contraception. Par ailleurs, les hommes sont fertiles 24 h/24, 365 jours par an. Les femmes 24 heures par mois. Messieurs, il est donc temps de prendre votre contraception en main. C’est aussi ça montrer ce qu’on a dans le slip.

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