Contre les SUV en ville, ils dégonflent

Initiés en Angleterre, les groupes de dégonfleurs de SUV se sont développés dans plusieurs villes françaises ces dernières années - Twitter The Tyre Extinguishers/Illustration
Initiés en Angleterre, les groupes de dégonfleurs de SUV se sont développés dans plusieurs villes françaises ces dernières années - Twitter The Tyre Extinguishers/Illustration
Initiés en Angleterre, les groupes de dégonfleurs de SUV se sont développés dans plusieurs villes françaises ces dernières années - Twitter The Tyre Extinguishers/Illustration
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Parti d'Angleterre, le mouvement des dégonfleurs de SUV, grosses voitures très polluantes, s'est développé dans plusieurs villes de France. L'initiative crée la polémique. Nous avons suivi l'un de ces groupes de militants écologistes à Toulouse.

Ce soir-là une douzaine de jeunes femmes et jeunes hommes se réclamant du groupe NoSUV Tolosa se retrouvent à la nuit tombée. La soirée commence par un rapide briefing. Un des militants, qui semble plus rompu à ce genre d'actions, explique l'utilité des haricots secs (voir plus bas) s'assure que tout le monde a les siens, en distribue à ceux qui n'en ont pas. Puis il donne quelques conseils utiles en cas de rencontre avec la police.

"Si vous croisez les forces de l'ordre, ne paniquez pas, ne vous mettez pas à courir. On essaie d'être dans la désescalade. On évite tout problème avec les forces de l'ordre. De toutes façons, il n'y a pas de dégradation, c'est simplement dégonfler. Donc, libérez l'air !"

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Les militants se séparent ensuite par petits groupes dans les rues alentour. Leur cible : les SUV, ces grosses voitures urbaines aux allures de 4X4. Comment les distinguer ? L'un des membres du groupe nous en donne une rapide description.

"C'est des voitures avec des gros gabarits, plus hautes qu'une berline, souvent plus larges aussi. En ville, ça n'a aucun intérêt, donc c'est quand même assez facilement reconnaissable."

Sur les trottoirs de ce quartier cossu, on voit de grosses Land Rover, Audi, Mercedes et autres SUV en question stationnés. Les militants n'ont pas choisi l'endroit au hasard.

"On est dans un des quartiers les plus chers de Toulouse. On ne va pas faire ça avec les classes populaires. De toutes façons, les classes populaires ne peuvent pas s'acheter des gros SUV comme ça. Donc c'est également ciblé contre des personnes qui ont les moyens, en fait, d'avoir ce choix un peu égoïste."

C'est parti pour plus d'une heure de dégonflage. Les rues arpentées, quasi-déserte à ce moment de la soirée, se mettent à résonner du "pchiiiit" discret des pneus qui expirent leur air et des brefs échanges à voix basse des militants. Quand ils repèrent un SUV, ils s'accroupissent auprès d'une des roues, dévissent le bouchon de la valve, y glissent un haricot sec et revissent le bouchon. Le tout dure à peine 30 secondes et le pneu continue ensuite à se dégonfler tout seul. Au bout d'une demi-heure, il sera complètement à plat, rendant la voiture inutilisable jusqu'à un regonflage.

"C'est normal, pas radical"

Les dégonfleurs épargnent toutefois les SUV portant un macaron handicapé ou médecin. Ils laissent un tract sur le pare-brise des voitures dont ils ont dégonflé un pneu pour expliquer leur action.

"Ce flyer explique qu'on ne vise pas l'individu mais vraiment sa machine. Ça rappelle également pourquoi c'est un problème pour l'environnement. Et ça permet de prévenir la personne, pour qu'elle ne se retrouve pas juste avec un pneu dégonflé sans savoir pourquoi. Là, il y a un argumentaire explicatif."

Le tract rappelle aussi que les SUV ont été la deuxième cause d'augmentation des gaz à effet de serre entre 2010 et 2018, selon l' Agence Internationale de l'Énergie, et réclame un renforcement de la législation pour les bannir des villes.

Les dégonfleurs de NoSUV Tolosa s'en prennent ce soir-là à une soixantaine de véhicules mais refusent de qualifier leurs actions de radicales ou violentes.

"C'est totalement normal de combattre quelque chose qui nous pollue tous la gueule, en fait. On estime qu'on se bat contre un système dédié à l'automobile qui est problématique. Donc, non, ce n'est absolument pas radical."

Ces militants considèrent également que la nuisance occasionnée pour le propriétaire du SUV, qui va retrouver sa voiture immobilisée le lendemain alors qu'il en a peut-être besoin pour aller travailler, est bien moindre que celles occasionnées par ce type de voitures en ville.

"C'est embêtant mais ça l'est encore plus qu'on s'attrape des cancers à cause de la pollution de l'air. Je pense que ça serait quand même pas mal de considérer l'urgence dans laquelle on est."

Jusqu'ici les membres de NoSUV Tolosa, qui ont réalisé plusieurs opérations de dégonflage, n'ont pas eu à affronter de propriétaires les prenant sur le fait. La consigne dans le groupe, dans ce cas, est la même qu'en cas de confrontation avec la police : désescalade et fuite si la situation est trop tendue.

De même, il n'y a pas encore eu de condamnation mais ces actions pourraient être passibles d'une amende de 5ème catégorie, la plus élevée, soit un maximum de 1500 euros. En cas de poursuites, le jugement sera sans doute contesté car en l'absence de jurisprudence, il n'est pas certain que dégonfler un pneu puisse être assimilé à une dégradation volontaire.

L'équipe

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